Les cachots de la Tour des Prisons de Neuchâtel
- Par Fabien Langenegger
- Le 21/12/2015
- Dans Dendrochronologie
Billet écrit avec Florence Gilliard
La tour des Prisons de Neuchâtel est l'une des plus anciennes constructions de la vieille ville. Située au sud du château de Neuchâtel, elle a été construite à partir du Xe siècle et a été surélevée aux XIIIe et XIVe siècles. Jusqu'à très récemment, le public pouvait accéder à sa plateforme supérieure pour bénéficier d'un panorama exceptionnel sur la ville, le lac et les Alpes. A l'intérieur de la tour, deux anciens cachots en chêne étaient encore en place, deux constructions remarquables.
Un humaniste italien, Benedetto da Piglio, a été retenu plusieurs mois dans cette tour en 1415. Il a décrit son calvaire dans plusieurs textes. Conservé en Autriche, ces manuscrits ont été récemment publiés par l’historien italien Marco Petoletti. C’est un témoignage remarquable sur la ville de Neuchâtel au Moyen Age. A cette époque, il n’y avait pas encore de cachots en bois installés dans cette tour haute d’une trentaine de mètres.
Le 22 mai 2015, un jeudi soir, un incendie a éclaté dans la Tour des Prisons. L'intervention rapide des pompiers a permis de maîtriser le feu qui s'était propagé dans les niveaux supérieurs du bâtiment. Les dégâts sont très importants, les poutres des deux derniers étages ont brûlé, ainsi qu'un des magnifiques cachots en chêne.
Une fois le bâtiment sécurisé, l'Office du patrimoine et de l'archéologie de Neuchâtel (OPAN) a décidé de dater, grâce à la dendrochronologie, les cachots. Ceci dans le but de savoir s'ils sont bel et bien d'origine ou si nous sommes en présence de copies récentes afin de prendre les mesures les plus pertinentes pour la sauvegarde éventuelle du cachot endommagé.
Nous avons commencé l'étude par le cachot situé au premier étage et épargné par le feu. Les madriers et la porte sont en chêne, alors que les parois intérieures sont recouvertes de planches de sapin. Aucun prélèvement n'a été effectué sur ce premier cachot, toute la documentation des cernes de croissance a été effectuée uniquement à l'aide de photographies. Le choix du chemin de mesure sur les pièces en chêne est déterminé par le nombre de cernes potentiellement existant et l'observation de cernes d’aubier. L’aubier est la partie vivante de l’arbre et sa présence sur un échantillon permet, lors de l’exercice de datation, d’effectuer des estimations précises sur la date d’abattage de l’arbre, même si les derniers cernes de croissance sont absents.
Pour la mesure des éléments du cachot, comme pour un meuble ou une peinture sur bois, le chemin de mesure peut être effectué de deux manières. Soit par un sablage très fin qui se contente de nettoyer la surface du bois sans enlever de matière, soit pour un objet moins dommage, par un léger ponçage pour faire apparaître les cernes de croissance. Ainsi, ils peuvent être photographiés avec l'ajout d'une règle graduée tous les millimètres permettant de calibrer chaque image avec précision.
Pour le cachot situé dans les étages supérieurs de la Tour des Prisons, trois prélèvements de la section complète des madriers ont pu être réalisés. La carbonisation marquée des pièces de bois ne permettait guère d'utiliser des techniques moins intrusives. L'état des planches intérieures en sapin du cachot ne nous a ont pas permis de documenter les cernes de croissance.
Sur un des madriers, l'aubier, ainsi que le cambium étaient entièrement conservés et ont permis de déterminer la saison d'abattage des chênes sessiles utilisés pour la construction de ces cachots. Ils sont d'origine et la datation, à la saison près, correspond aux indications retrouvées dans des textes pour leur fabrication au 17e siècle. L'intérieur du cachot inférieur a, en revanche, été rénové et les planches de sapin qui composent les parois sont du début du 19e siècle. Le démontage des planchers supérieurs a permis une datation du solivage et lui aussi date du 19e siècle. Les dates précises seront publiées ultérieurement par la section du partimoine de l'OPAN.
archéologie du bâti Neuchâtel dendrochronologie